top of page

L'enquête

En appréhendant le katajjaq, technique vocale inuit, comme on le ferait d’un objet technique porteur de savoir, d’usages à explorer et à croiser avec d’autres ; des perturbations productives agitent le monde de la création, faisant des rencontres arts et sciences un nouvel horizon (possible) de la patrimonialisation

Le Katajjaq Inuit au-delà de la patrimonialisation : de l’ethnographie à la recherche-création
 

Résumé de la thèse :  (Soutenance - 22 Mars 2024 au Festival RESSAC - UBO)

Situé entre le cri et le chant, le katajjaq a toujours fasciné les Occidentaux, mais a surtout été à l’origine de nombreuses controverses (appropriation culturelle, équité épistémique, continuité culturelle autochtone). Ces dernières ont entravé les échanges interculturels alors que les savoirs traditionnels apparaissaient dans le même temps comme un moyen de faire face aux différentes crises contemporaines. Ainsi, les musiciens, les compositeurs et les institutions ont beaucoup de difficultés à se frayer un chemin entre les tentations au repli différentialiste et une quête d’universalisme réducteur. L’on observe donc une mise en concurrence de différentes postures, que ce soit celles des scientifiques, des autochtones ou des créateurs. Dans tous les cas, les stratégies adoptées tendent à essentialiser le katajjaq, car les approches, qu’elles soient musicologiques ou patrimoniales, ont avant tout cherché à déterminer ce qu’était le katajjaq, alors que cette technique se présente avant tout comme un dispositif ludique qui fait faire des choses. Il fallait donc davantage porter attention au katajjaq comme activité, qu’au produit de cette activité et c’est pour cette raison que recherche et performance ne pouvaient en aucun cas être dissociées.


L’objectif de cette recherche-création était donc d’essayer de mieux comprendre comment la culture inuit pouvait être distribuée dans le katajjaq en tant que technique. Il s’agissait d’essayer d’observer et de décrire, en situation, sa capacité à venir bousculer des catégories bien établies (comme la musique, la tradition, la création, la participation ou l’expérimentation), quand il est en prise avec d’autres techniques plus contemporaines. C’est en recourant à l’(auto)ethnographie qu’il nous a été possible de rendre compte de la manière dont il est venu interroger nos propres pratiques. L’enquête de terrain devenait alors notre principale contrainte créative et il fallait aussi découvrir les contextes dans lesquels nous pourrions initier cette nouvelle façon d’aborder un patrimoine vivant comme le katajjaq. Les dispositifs Arts et Sciences se sont alors présentés comme un nouvel horizon possible de la patrimonialisation, car induisant la rencontre fructueuse et symétrique de différentes épistémès et pratiques. Ils permettent de s’accorder sur une activité à mener en commun plutôt que sur un ensemble de propositions intellectuelles ou esthétiques. Ainsi, ces dispositifs qui ont montré leur bienfait dans le domaine des arts numériques ou de l’art contemporain ont semblé devoir être généralisés aux arts et savoirs dits traditionnels, réinterrogeant le rôle que pouvaient jouer pour eux des lieux dédiés tout autant à la recherche qu’à la création.


En suivant le katajjaq pas à pas, mais aussi en combinant les forces de l’art et de l’anthropologie, nous avons été amenés à accorder moins d’importance à l’œuvre et à son auteur qu’à ce qui se produit quand l’on se réunit autour d’activités sonores. Nous avons alors mieux compris le rôle commutateur des productions sonores quand elles permettent l’établissement d’une zone grise de la rencontre. Cela nous incita à moins considérer la création comme un renouvellement du langage musical (rupture) que comme une manière d’établir un langage commun (réunion), liant ainsi des problématiques esthétiques, à des problématiques politiques, pour qu’une certaine idéologie du progrès propre au monde de la création fasse peu à peu place à une éthique de la sollicitude.

Mots Clés : Inuit, Katajjaq, Patrimoine, Extractivisme culturel, Recherche-Création, Création sonore, Pragmatisme, Care, Arts et Sciences, jeu
 

bottom of page